10 sept. 2021

ÊTRE CHEF DE CHOEUR (2e partie)


Le rôle de chef de chœur


Frédéric Sorhaitz


Définition

Le chef de chœur est le directeur musical et artistique du chœur. Même si l'appellation « directeur artistique » ne s'applique pas d'un point de vue juridique, il s'applique de fait. Comme l'explique
 le chef d'orchestre Victorien Vanoosten : 

« Être chef, ce n'est pas seulement diriger lors des concerts ou des répétitions. Cela, c'est ce qu'on appelle un directeur musical. Mais il y a aussi un autre rôle, celui de directeur artistique, qui consiste en tout un travail : décider quelles œuvres seront interprétées, pourquoi, dans quelles salles, avec quels solistes ; assurer une cohérence musicale et artistique sur une ou plusieurs saisons ; cela inclut même des détails plus techniques comme le positionnement des musiciens selon l'acoustique de la salle ou selon l'œuvre interprétée, ce qu'on appelle l'implémentation ; ou encore le choix, pour telle ou telle œuvre, d'une édition parmi celles qui existent et qui diffèrent beaucoup entre elles. » (https://youtu.be/4ju4qSSjEG8)

Dans un chœur, comme dans un orchestre, le rôle de directeur musical et celui de directeur artistique se rejoignent pour composer un seul rôle, celui d'assumer la perception visuelle et auditive du public. Tout ce que le public voit et entend du chœur est de la prérogative artistique du chef de chœur. 

Quelques facettes du rôle du chef de chœur


■ Choix du répertoire
■ Composition des programmes de concert
■ Choix de faire participer un soliste ou un instrument
■ Choix d’introduire une mise en scène
■ Harmonisations, transcriptions, arrangements musicaux, si besoin
■ Apprentissage des chants
■ Direction des répétitions
■ Direction des concerts
■ Admission des nouveaux choristes
■ Répartition des choristes dans les pupitres
■ Placement du chœur sur les lieux de concert
■ Déplacements du chœur sur les lieux de concert 
■ Choix du niveau d’éclairage des lieux de concert
■ Choix du niveau de sonorisation des lieux de concert, si nécessaire

D’autre part, son nom étant lié à celui du chœur, le directeur musical et artistique approuve les décisions concernant : 


■ La tenue de concert
■ La présentation des concerts et des chants
■ Les supports publicitaires (plaquettes, affiches, etc.)
■ La présence du chœur dans les médias
■ La diffusion des enregistrements sonores et vidéo
■ Etc.

Autorité

L’autorité d’un chef de chœur est de deux natures : 1. Sa compétence : un chef de chœur étant engagé sur ses compétences, sa nomination est en soi une reconnaissance d’autorité. 2. L’autorité que lui accorde la structure qui fait appel à ses services.

Cette structure peut revêtir diverses formes. En France, la forme associative est la plus courante que prennent les chœurs. Elle est la forme juridique la plus efficace et la plus simple qui permette à un chœur de fonctionner, notamment d’être assuré et subventionné. Les chœurs sont ainsi structurés en association par nécessité. 

Le temps est révolu où le chef du chœur, qui en était souvent le fondateur, était à la fois chef et président, avait la prérogative des choix à la fois logistiques et artistiques. Aujourd'hui, les rôles sont séparés. Le président est l’autorité devant la loi, le responsable devant les autorités civiles. Le chef de chœur, qui est un professionnel recruté, un spécialiste, un artiste, est l’autorité artistique devant les choristes et le public. Son nom est lié au chœur dans l’opinion publique. 

Malgré leur différence de statut, et grâce à cette différence, le président et le chef de chœur forment le tandem directeur du chœur. Dans l’idéal, ils constituent l’équipe la plus soudée du groupe. Chacun d’eux a le dernier mot dans sa sphère de compétences. Chacun d’eux représente l'une des deux faces du chœur. Le président personnifie la forme, le contenant, le véhicule, le corps. Le chef de chœur personnifie le fond, le contenu, l’objet véhiculé, l’âme. Ils se complètent et dépendent l’un de l’autre pour la vie du chœur. L’un est directeur administratif, l’autre directeur artistique. Ils se consultent et coordonnent leur action pour la bonne marche du projet musical. Considérée en terme de partenariat, ce binôme s’avère salutaire pour le chœur. 

Lorsque le mandat du président est terminé, il redevient simple choriste et un autre choriste prend sa place. Sauf exception, les présidents sont des choristes qui, tour à tour, prennent le rôle de président, pendant que le chef de chœur, s'il n'est pas remplacé, reste l'âme, la référence, l'inspirateur et le stimulateur du chœur. De même, les membres du conseil d'administration de l'association sont généralement des choristes qui restent choristes pendant leur mandat et redeviennent simples choristes ensuite. A priori, tout choriste peut devenir président de l'association ou membre du conseil d'administration. Leur mandat est temporaire, alors que celui de chef de chœur peut durer autant que sa compétence à mener à bien le projet artistique.  

Dangers du système associatif

Le système associatif n'est pas toujours la panacée. Le projet choral est à l'origine de l'association, pas l'inverse. L'association sans le chœur est une coquille vide. Si le chef est compétent, il reste pendant que les présidents se succèdent. Une des lacunes de l'organisation en association est le risque du paradoxe où le chef de chœur « subit » l'autorité des élus de la structure pendant que ces derniers, en tant que choristes, « subissent » l'autorité du chef de chœur. Pour éviter ces frustrations, le chef et le président forment une équipe soudée pour le bien du projet choral qui est à l'origine de l'association. Puisque le chœur est à la source et que la forme associative n'est qu'une conséquence, l'autorité du chef de chœur est primordiale. Quand la structure ne prend pas le pas sur le projet choral mais le soutient, le bon fonctionnement du projet est assuré. Quand cette hiérarchie des valeurs est respectée, le projet choral et l'association suscitée pour le mettre en œuvre peuvent perdurer. 

Précisons que le rôle de la structure est perverti lorsqu'elle est utilisée pour imposer au chef de chœur des choix artistiques, choix qui relèvent de sa prérogative. Tout ce que le public voit et entend relève de sa prérogative. C'est pourquoi il est important que le règlement intérieur précise la marge de liberté du chef de chœur censé incarner le projet, pour tout ce qui relève de son domaine. La structure est pleinement dans son rôle quand elle soutient le projet artistique incarné par le chef de chœur. Ceci exige entre les deux parties une bonne communication sans laquelle rien n'est possible. 

Mesures de précaution

Comme mentionné, à moins d'un manquement du chef de chœur, l'utilisation de la structure associative pour se substituer à lui ou lui imposer une politique est un effet pervers du système et un danger pour le projet choral. Pour éviter cet écueil, le chef de chœur participe aux décisions courantes relatives à son rôle. 

Une décision prise au sein d'une instance de la structure en l'absence du chef de chœur sur un aspect de la vie du chœur qui relève de sa compétence est un effet pervers du système. Pour l'éviter, les instances de la structure ne prennent pas de décision dans le domaine artistique en l'absence du chef de chœur, ou se mettent d'abord d'accord avec lui. C'est la meilleure garantie de la pérennité du projet dans sa globalité. 

Démocratie

Le principe de démocratie s’applique lors du choix du chef de chœur. Ce choix étant fait démocratiquement, l’autorité déléguée au chef lui permet d’agir dans le cadre de sa mission définie dans le règlement intérieur. L’engagement pris entre l’association et le directeur artistique implique une relation de confiance entre les deux parties. Dès lors qu’il remplit sa mission, le chef de chœur bénéficie de la confiance et du soutien de la structure. Ce soutien ne peut être remis en cause par des avis personnels minoritaires, quelle que soit l'influence de la personne qui s'en fait le porte-parole. 

Mission

La nomination d’un chef de chœur est le fruit d’un processus de recrutement et d’une négociation avec l’intéressé pour définir sa mission et les modalités pour la remplir. Cette définition est portée au règlement intérieur de l’association, selon la procédure prévue à cet effet. Lorsque la définition du rôle du chef de chœur ou des modalités pour l’exercer sont susceptibles de modification en cours de mandat du chef concerné, une nouvelle négociation est ouverte entre l’association et lui.

Compétences

Par définition, un chef de chœur ne réunit pas à lui seul toutes les compétences vocales et artistiques des membres du chœur (il ne peut être soprano et basse à la fois). Cependant, ses compétences musicales doivent lui permettre de remplir son rôle de direction musicale et de faire les choix artistiques qui en relèvent, comme : déterminer si une partition est à la portée du chœur ou si une participation vocale, instrumentale ou scénique est au service de la qualité musicale de l’ensemble ou pas ; définir les programmes de concert, ce qu’il fait en fonction de critères tels que l’acoustique, le public et l’effectif.

Orientation artistique

Par sa personnalité, tout chef de chœur met son empreinte sur la formation qu’il dirige. Cette empreinte est susceptible d’orienter l’esthétique musicale et visuelle d’un chœur, par le choix du répertoire et de son interprétation. Les choix du chef de chœur sont le prolongement de sa conception du niveau et du style du chœur, son rôle étant de savoir les orienter et les magnifier. Ce que le public voit et entend du chœur en détermine le succès. Le chef de chœur veille à l’harmonie du visuel et de l’auditif. Il assume la responsabilité du rendu artistique et évite tout ce qui peut en altérer la qualité. 


Son nom étant lié à celui du chœur, le chef de chœur assume la responsabilité de tout ce que le public voit et entend du chœur, y compris les publications papier ou numériques du chœur à destination du public. Toute publication promotionnelle du chœur contribue à son image qui, elle, fait partie à part entière de sa démarche artistique et engage le chef dont le nom est lié au chœur. 

Il est important que les des diverses commissions créées par la structure (communication, logistique, etc.) travaillent en collaboration avec le chef de chœur, pour que son avis soit connu et pris en considération. Toutes les commissions et compétences sont censées être au service de l'objet premier et ultime de la structure : le chant choral pour un public. Cet objet étant personnifié par le directeur artistique, son avis est pris en considération dans les diverses facettes du projet global. 

Subjectivité

L’appréciation de la musique et de l’art en général repose sur des critères essentiellement subjectifs. Cette part de subjectivité ne peut être remplacée par des considérations logiques ou des moyens de mesure (sondages, minutages, statistiques, etc.) Si ces éléments peuvent être intéressants à titre de comparaison, ils ne peuvent pénétrer la part subjective de l’art. C’est au chef de chœur que revient la prérogative de ressentir ce qui convient dans telle acoustique, dans tel lieu, à destination de tel public. Dans le domaine du subjectif, il n’y a pas de vérité unique, mais plusieurs. Cependant, le choix de l’une d’elles appartient au directeur artistique. Dans la vie musicale du chœur, si chaque choriste peut donner son avis, le chef conserve la prérogative des choix qui relèvent de sa compétence. 

Compétences des choristes

Il est attendu des candidats choristes des capacités vocales et des capacités d’apprentissage. Leurs capacités vocales sont déterminées par le chef de chœur pour leur affectation à un pupitre. La capacité d’apprentissage ne peut en revanche être déterminée d’emblée chez les candidats.

Répétitions

Lors de l’apprentissage des chants il convient de rester groupés pour que la même conception musicale soit insufflée dès le départ à tous les pupitres. Cela répond également au besoin de chaque pupitre de se situer harmoniquement et rythmiquement par rapport aux autres. La technologie moderne permet aux choristes d’apprendre leur voix en l’écoutant en dehors des répétitions. Cette autonomie est souhaitable de sorte qu’en répétition davantage de temps soit consacré à l’assemblage des voix qu’à leur apprentissage.

Article mis en ligne le 02/03/2012 et mis à jour le 29/11/2022